Territoire de Scandinavie, la Laponie (ou Sápmi) s’étend de la moitié nord de la Norvège à la péninsule de Kola en Sibérie, en passant par le Nord de la Suède et de la Finlande. Terre d’origine des sames, elle attire de plus en plus de voyageurs avides de découvrir ses richesses tant naturelles que culturelles. Victime de la colonisation, la culture samie s’est grandement perdue au cours des siècles passés. Aujourd’hui, elle perdure en partie grâce à l’élevage de rennes.
Qui sont les sames ?
Les sames (prononcé [sa-mi] ) représente un des derniers peuples autochtones d’Europe. Ils sont aussi connus sous le nom de « Lapons » même si ce terme n’est plus utilisé car considéré péjoratif. Historiquement chasseurs-pêcheurs-cueilleurs, ils vivaient proches de la nature et à son rythme. Ils tuaient les rennes pour leur viande et leur peau. Depuis la colonisation, leur vie de peuple nomade a été chamboulée. Les sames ont du faire face à des siècles d’évangélisation et d’assimilation forcées et d’esclavagisme, ainsi qu’à la perte de droits sur des terres qu’ils parcouraient depuis des millénaires, etc…
Sames et rennes, un lien depuis toujours
Il y a plus de 1500 ans, les sames ont commencé à domestiquer les rennes pour le transport ainsi que pour le lait. Nomades, ils se déplaçaient au gré de leurs troupeaux qui allaient de pâturages en pâturages. À pied l’été, en ski l’hiver. C’était la transhumance. Même si celle-ci a quelque peu évolué avec la modernisation et la sédentarisation, elle fait toujours partie intégrante de la vie des éleveurs de rennes. La motoneige a remplacé les skis, et le quad les jambes. Les sames vont parfois même jusqu’à utiliser des hélicoptères pour retrouver les rennes manquants.
Un héritage important
Dans le but de protéger l’héritage same, l’élevage de rennes leur est exclusivement réservé. Un suédois sans origine same ne peut avoir des rennes. Ce droit peut s’acquérir par les liens du mariage, mais se perd en cas de divorce. En Suède, les éleveurs de rennes représentent environ 10% des sames. Ce mode de vie se transmet de génération en génération. Même si la majorité des sames choisissent une activité professionnelle « ordinaire », beaucoup possèdent tout de même quelques rennes, qu’ils confient à des éleveurs. Cela leur permet de bénéficier de privilèges de chasse et de pêche accordés par le gouvernement suédois dans le but de leur rendre des droits (historiquement bafoués) à la terre.
Partager leur héritage
Les éleveurs de rennes complètent généralement leurs revenus avec d’autres activités, telles que l’accueil de touristes, ou encore l’artisanat comme la fabrication de couteaux, de bijoux, de bracelets, etc…
Il est très impoli de demander à un éleveur combien de bêtes il possède. À cette question, un same vous répondra souvent « Et toi, combien d’argent as-tu sur ton compte en banque ? ». Cependant, ceux qui travaillent dans le tourisme ont l’habitude de se voir poser cette question et y répondent sans soucis.
Nos séjours multi activités été vous emmènent à la rencontre de Tomme et Lakota au cœur du village historique qu’ils ont recréé. Ils nous racontent tout sur la culture samie et sur l’élevage de rennes. Pour le multi activités hiver, nous allons à la rencontre de Börje qui vous explique tout ce que vous voulez savoir sur la vie d’un éleveur.
L’élevage de rennes en Suède
En Suède, il n’existe pas de renne sauvage même s’ils vivent libres dans la nature 6 à 8 mois de l’année. Un renne appartient forcément à un same. Cette appartenance est marquée par une entaille aux oreilles. Chaque same possède sa propre marque, documentée dans le registre communal. Les marques font partie de l’héritage familial, et celle d’un défunt peut être réutilisée par un de ses descendants. Le marquage des jeunes rennes est un évènement important qui a lieu tous les ans aux alentours de la Midsommar – l’équivalent de la Saint-Jean (vers le 21 juin).
Conséquences du réchauffement climatique
Autrefois, les rennes vivaient toute l’année à l’état sauvage. Les éleveurs de rennes ont du s’adapter au réchauffement climatique. En effet, de part la physionomie de leurs ongles, les rennes sont capables de creuser la neige afin de s’alimenter avec ce qu’il trouvent au sol (mousse, herbe, myrtilles, airelles, etc…). Cependant, depuis une vingtaine d’années, les hivers en Laponie connaissent de grosses variations de températures qui rendent cela difficile.
Quand les températures passent au dessus de 0°C en plein hiver, la couche de neige au sol fond. Puis, lorsque le froid revient, cette couche regèle formant ainsi de la glace. Les rennes, ne pouvant casser cette glace se trouvent dans l’incapacité de s’alimenter. Les éleveurs subissaient de grosses pertes l’hiver. Ils ont donc décidé de parquer leurs troupeaux afin de les nourrir au grain, au foin et au lichen dont les rennes raffolent.
Le cycle de vie d’un renne
Ainsi, c’est en général entre fin octobre et début décembre que les sames regroupent leurs troupeaux éparpillés dans la nature pour les rabattre vers les parcs dans lesquels ils resteront tout l’hiver. Les marques aux oreilles deviennent alors très pratiques puisque les troupeaux se mélangent souvent.
Comment les éleveurs font-ils pour retrouver les bêtes dans l’immensité des terres ? Tout simplement, les femelles mettent bas à l’endroit où elles sont nées donc les troupeaux naviguent toujours autour du même périmètre. Certains sames utilisent des collier GPS pour faciliter leur traque. Les éleveurs vont alors regrouper leurs animaux pour les déplacer vers les parcs. Les troupeaux avancent au rythme du foin et du grain que leur donnent les éleveurs. Ainsi, ils peuvent parcourir jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres sur environ 2 à 4 semaines.
Dans un souci de rentabilité, c’est à ce moment que les éleveurs envoient une partie de leurs bêtes à l’abattoir. Ils privilégient les jeunes veaux nés au printemps qui ne leur ont causé aucun frais puisqu’ils se sont alimentés dans la forêt depuis leur naissance. Ils vont bien sûr aussi sélectionner des veaux qu’ils vont garder pour assurer la pérennité du troupeau.
À la fin de l’hiver, dés que les températures sont plus clémentes et que les éleveurs estiment que les rennes peuvent se nourrir dans la nature, ils libèrent les troupeaux et font plus ou moins le trajet inverse vers les zones de pâturages estivales. Là, ils les laissent ensuite se disperser. C’est alors très courant de voir des petits groupes sur les bords des routes. Même si les rennes sont maintenant libres, les sames gardent un œil et veillent au bien être des troupeaux. Ils surveillent la présence d’éventuels prédateurs tels que l’ours, le loup, le glouton ou le lynx ou bien d’éventuelles maladies, etc.…
Viande, peau et bois de renne
Le renne est élevé pour sa viande. C’est une spécialité de la Laponie et il est très rare d’en trouver ou d’en consommer dans le reste de la Suède. Le prix de la viande est fixé par l’état (environ 9-10 € le kg à la vente aux abattoirs). Il faut compter environ 25-30 € le kg de viande.
Les peaux sont aussi bien sûr utilisées. Séchées puis nettoyées, elles s’achètent tannées pour l’intérieur ou crues pour l’extérieur. En intérieur, elles peuvent servir comme élément décoratif sur un mur, sur un sofa ou bien comme tapis. Très isolantes, les peaux sont utilisées en extérieur pour s’assoir (ou dormir) sur la neige. En effet, contrairement au poil d’élan par exemple, le poil de renne est creux (un peu comme de la paille), et donc isole très bien du froid.
Les bois de renne sont utilisés pour l’artisan same (sur les manches de couteaux par exemple) ou bien à des fins décoratives. Les rennes perdent leurs bois une fois par an : après la période de rut (vers Octobre – Novembre) pour les mâles et après la mise bas (en Mai pour les femelles. Les bois tout simplement tombent. Les bois de rennes se vendent plus chers que la viande. Il faut compter environ 17-18 € le kilo. Pourquoi si cher ? Parce que depuis quelques années, les chinois y ont découvert des propriétés aphrodisiaques…
Les conflits terriens et identitaires
Les éleveurs de rennes connaissent beaucoup de conflits terriens. Pour les sames, la terre n’appartient à personne. Ils l’utilisent depuis toujours comme pâturage pour leurs rennes. Cependant, après la colonisation de la Laponie, les institutions se sont appropriées les terres et les ont vendues à des compagnies minières, forestières, ou à des particuliers.
Ces terres, que les sames ont arpentés pendant des milliers d’années, font partie de leur identité et de leur histoire. C’est pour eux très difficile d’assister à la destruction des forêts pour des coupes forestières, des extractions minières ou constructions en tout genre. Cela rend non seulement les terres inutilisables comme pâturages pour les rennes, mais c’est aussi un peu leur identité qui disparait avec l’écosystème d’une forêt massacrée.
Réveil et revendication de la culture samie
Historiquement, les sames ont été interdit de pratiquer leur religion, ils ont été obligé de se convertir au protestantisme par les luthériens. L’inquisition était sans pitié et les shamans étaient torturé, brûlé, noyé, etc. parce qu’ils refusaient d’abandonner leurs croyances. Aujourd’hui, très peu de sames parlent leur langue ou les dialectes sames puisqu’ils furent interdit pendant 4 générations.
Cependant, la Suède connait un engouement de la culture samie. Les jeunes souhaitent réapprendre leur langue, se reconnecter à leur histoire, à leur tradition et à leur identité.
Comme chez beaucoup de peuples indigènes, la culture samie est une culture orale. Les histoires se transmettaient beaucoup sous forme de chant, le jolk. En 2010, un jeune same émeut le jury et remporte « Sweden Got talent » avec son jolk, dédié à son meilleur ami décédé.
En savoir plus sur la culture samie et les rennes
Si vous souhaitez vous plongez un peu plus dans la culture et l’histoire samie, nous recommandons les livres d’Olivier Truc. Journaliste passionné par les pays nordiques, il a notamment été correspondant en Suède pour RTL, Libération, Le Point et Le Monde. « Le cartographe des Indes boréales » est un excellent roman historique sur la Suède et les sames au XVIIème siècle. Le roman commence avec le naufrage du Vasa à Stockholm puis suit les aventures extraordinaires d’Izko, un jeune Français qui rêvait de devenir chasseur de baleines. Le destin l’aura mené ailleurs. Devenu cartographe, il sera mandaté par le roi de Suède pour cartographier le nord du pays et établir les routes reliant les mines à la côte. C’est là-bas qu’il fera connaissance avec les sames.
« Le dernier lapon », « Le détroit du loup » et « La montagne rouge », sont les trois tomes d’une trilogie policière qui suit la police des rennes dans des enquêtes fictives, mais qui soulèvent des problématiques sames importantes.
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